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LA CULTURE BAFOUEE EN FRANCE depuis UN AN

mercredi 3 mars 2021

Négligence coupable ou mépris des artistes ? Un an après sa parution, le rapport Racine reste lettre morte

TRIBUNE – Un rapport remis par Bruno Racine, il y a un an, alertait sur la situation des créateurs en France. Mais rien n’a changé depuis. Des dessinateurs Lewis Trondheim et Catherine Meurisse en passant par l’écrivain Olivier Norek ou le photographe Thierry Ardouin… les artistes prennent la parole pour tirer la sonnette d’alarme.

« Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine. »
Article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’homme

« Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts. »
Article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme

Nous sommes artistes-auteurs et autrices. Écrivains et écrivaines, illustrateurs et illustratrices, photographes, plasticiens et plasticiennes, scénaristes, compositeurs et compositrices, traducteurs et traductrices, sculpteurs et sculptrices, graphistes, designers, chorégraphes, et tant d’autres métiers. Créateurs et créatrices des œuvres diffusées, nous sommes le premier maillon du secteur de la culture, qui emploie 670 000 personnes et pèse pour 2,3 % du PIB français.

Fruit d’une vocation et du regard singulier que nous portons sur le monde, nos œuvres sont également le produit d’un travail conséquent, de compétences professionnelles et de savoir-faire. Or, ces métiers et savoir-faire sont aujourd’hui invisibilisés tant par les exploitants de nos œuvres que par l’État lui-même. En conséquence, des dizaines de milliers d’artistes-auteurs sont maintenus dans une précarité indigne d’une démocratie.

Depuis que le rapport de Bruno Racine intitulé « L’auteur et l’acte de création » lui a été remis, le ministère de la Culture n’ignore plus rien de notre situation. Ce document de 140 pages dresse un constat dramatique sur nos conditions d’exercice, nos droits sociaux bafoués, la dégradation de nos rémunérations, notre faiblesse face aux exploitants des œuvres, la confusion qui règne dans les règles de représentativité.

De même, l’État est désormais en possession d’un diagnostic clair quant aux causes structurelles de notre invisibilisation. Si nous cotisons socialement comme les autres professionnels, si nous payons nos impôts comme les autres professionnels, la France ne nous reconnaît toujours pas comme des professionnels.

Nous sommes privés de droits fondamentaux :

- Le droit d’accéder aux prestations sociales effectives pour lesquelles nous cotisons.

- Le droit à un dialogue social opérationnel et conforme à la Convention européenne des droits de l’homme.

- Le droit à des minimums de rémunération.

- Le droit à la reconnaissance de notre travail.

En se focalisant uniquement sur l’exploitation de nos œuvres, le droit d’auteur français ignore la phase de création, le travail et le savoir-faire nécessaires à l’élaboration d’une œuvre. Pourtant, l’acte de création est le cœur battant de notre activité. Derrière les œuvres que vous connaissez, il y a des créateurs et créatrices bien vivants.

Si bien sûr le droit d’auteur doit être défendu, nous affirmons aussi l’importance et l’urgence de reconnaître enfin les droits des créateurs et créatrices en activité. C’est en ce sens que le rapport Racine proposait la mise en œuvre de mesures salutaires, qui nous permettraient d’accéder à des droits élémentaires, au même titre que n’importe quel citoyen ou citoyenne.

Or, malgré les constats accablants, malgré les fortes mobilisations de l’ensemble de nos professions littéraires et artistiques, le gouvernement a enterré toutes les mesures qui auraient pu permettre de changer cette situation. L’État était mis au défi d’agir pour se saisir de son triple rôle de régulateur et garant des équilibres, de promoteur de l’excellence, de la diversité et de la prise de risque, tout en se montrant lui-même un acteur exemplaire. Il n’en a rien fait.


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