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L'univers de l'Espace
Reine de Saba













GRECS et ETHIOPIENS, une relation de plus de 3000 ans


Relations entre Grecs et Ethiopiens Conférence à l’Université de Genève le 19 mars 2003 sur invitation de deux organisations : Les Amitiés Helléno-Genevoises I Philia et l’Association des Ethiopiens en Suisse, ainsi que de la paroisse éthiopienne orthodoxe de Genève par Christine Chaillot, fondatrice et secrétaire. Par ailleurs, elle est l’auteur d’un ouvrage sur l’orthodoxie éthiopienne publié en anglais.

Article de Christine CHAILLOT

Il est bien connu que les Grecs ont beaucoup voyagé depuis les temps reculés de l’Antiquité, en particulier pour des motifs politiques et économiques : l’un des plus célèbres est bien sûr Alexandre le Grand qui voyagea jusqu’en Perse. Ce soir, j’essaierai de vous donner un bref aperçu des relations historiques, culturelles, commerciales et autres qui ont existé, avec cordialité, entre les Grecs et les Ethiopiens.

Déjà avant le début du Christianisme on sait que des marchands grecs voyageaient en Mer Rouge et avaient des contacts avec les Ethiopiens du royaume d’Axoum, ville située aujourd’hui au nord de l’Ethiopie.

Dans les textes, les Ethiopiens et l’Ethiopie sont mentionnés par des auteurs grecs comme Homère et Hérodote. On trouve à Axoum et ailleurs dans le premier royaume d’Ethiopie différentes inscriptions polyglottes émises par des rois éthiopiens et qui comprennent du grec. La plus ancienne inscription royale connue, du 2e siècle, est en grec et a été copiée au 6e siècle par un voyageur, Cosma Indicopleustes, dans son livre La Topographie Chrétienne. On trouve également des inscriptions des 4e et 6e siècles écrites en grec, en pseudo-sabéen et en ge’ez, la langue classique des Ethiopiens chrétiens. Durant la période ptolémaïque des marchands provenant de l’Egypte et du monde hellénistique ont joué un rôle sur le développement du royaume axoumite, également au niveau culturel. Le roi d’Egypte, Ptolémée Evergète Ier (247-222 av J.C.), fit ériger à Adoulis, (alors le port d’Axoum et le port le plus important de la Mer Rouge), une colonne commémorative des grandes victoires des Ptolémées, avec une inscription en grec. Dans Le Périple de la Mer Erythréenne (que certains disent avoir été écrit au milieu du 1er siècle après J.C.), on parle d’un roi d’Axoum, Za Hakele (ou Zoskales), qui avait des connaissances de grec. On trouve dans le royaume d’Axoum du grec sur les monnaies axoumites (3e-8e siècles), et même des monnaies grecques. Dans les ruines de la ville de Matara (aujourd’hui située en Erythrée) des archéologues ont découvert des croix byzantines du 6e siècle. On dit qu’il y a une influence du grec sur les chiffres ge’ez. Et des mots grecs sont empruntés dans le langage ecclésiastique éthiopien comme diakonos, mysterion, thronos, diabolos… Au niveau architectural, les plus anciennes églises du nord de l’Ethiopie et en Erythrée, actuellement en ruines, suivent le mode des églises du monde paléo-chrétien (4e-6e siècle) ou protobyzantin. Dans les ruines de l’église de l’ancien port d’Adoulis, sans doute antérieure à la fin du 6e siècle, on a trouvé du marbre d’origine d’Asie Mineure. Avant 1200 les églises anciennes d’Ethiopie ont encore ce qu’on appelle un presbyterium, c’est-à-dire une surélévation du sol devant le sanctuaire de la nef centrale, ainsi qu’une barrière de bois ou de marbre entourant cette surélévation, deux éléments caractéristiques du dispositif (et du système liturgique) paléo-chrétien. Dans les églises de Lalibela, construites aux environ de 1200, et alors la capitale éthiopienne, on ne trouve plus que la surélévation. Signalons que par la suite la plupart des églises éthiopiennes sont de forme ronde. Au niveau iconographique, des icônes grecques ont été importées en Ethiopie et elles ont inspiré des peintres éthiopiens. Les rois d’Ethiopie sont devenus chrétiens officiellement au 4e siècle après la consécration de leur premier évêque, Frumentius, originaire de Tyr (aujourd’hui au Liban), par Athanase d’Alexandrie.

Les contacts avec l’Eglise copte d’Egypte perdureront jusqu’en 1959, date à laquelle l’Eglise d’Ethiopie deviendra autocéphale, c’est-à-dire indépendante. La plus grande partie de la littérature chrétienne éthiopienne est d’origine copte ; les deux littérature, copte et éthiopienne, ont beaucoup en commun avec la littérature patristique grecque byzantine. Dès le début du Christianisme en Ethiopie (4e siècle), des contacts existent entre des empereurs de Byzance et des rois éthiopiens.

Au 4e siècle l’Empereur byzantin Constantius envoie une lettre au premier roi chrétien d’Ethiopie, Ezana.

Au 6e siècle le roi Dhu Nuwas de Himyar (au Yemen actuel) commence à persécuter les Chrétiens de Najran, (aujourd’hui au sud de l’Arabie Saoudite). L’empereur de Byzance, Justin Ier (518-27), envoie alors une lettre au souverain d’Axoum, Caleb, le priant de porter secours à leurs co-religionnaires. Il y a deux expéditions éthiopiennes, en 523 et en 525. Des bateaux byzantins les accompagnent. Les Ethiopiens occupent le sud de la péninsule arabique (l’actuel Yemen occidental) et construisent ou reconstruisent des églises. A l’arrivée des Perses, à la fin du 6e siècle, les Ethiopiens doivent s’en aller. On parle de deux délégations envoyées par l’empereur byzantin Justinien (527-65) à Axoum, en 531 et 533.

Sous l’empereur byzantin Heraclius (575-641) se fait la dernière tentative de pacte commun contre les Perses, alors la puissance rivale de Byzance. Les contacts entre Ethiopiens et Byzantins déclinent durant la dernière période axoumite (vers le 9e siècle), ce qui s’explique en partie par l’irruption de l’Islam et une réorganisation du système et du monopole commercial autour de la Mer Rouge. Les possibles liens entre Grecs et Ethiopiens ne sont pas encore étudiés en détail pour les siècles suivants. Pourtant on trouve mention, ici et là, de quelques exemples de contacts, par exemple, au 13e siècle, d’une correspondance entre le roi éthiopien Yekouno Amlak et l’empereur de Byzance Michel VIII Paléologue (1259-82). Lorsque Saladin prit Jérusalem en 1187, des Ethiopiens de cette ville émigrèrent à Chypre ; cette communauté était encore importante au 16e siècle quand fut bâtie leur église dédiée au Sauveur du Monde à Nicosie. A la suite de la chute de l’Empire de Byzance, en 1463, quelques Grecs se rendirent en Ethiopie et, plus tard, certains y jouèrent un rôle économique et même politique. On les surnommait, comme les Chrétiens d’Egypte (ou Coptes) et les Arméniens, Gebt et non pas Afreng comme les autres Européens. Au début du 16e siècle le Portugais Alvarez écrit que parmi les étrangers en territoire éthiopien se trouve un Grec de Chios. Aux 17e et 18e siècles plusieurs Grecs sont mentionnés en territoire éthiopien et certains ont eu des postes honorifiques à la cour des rois éthiopiens à Gondar, sous Iyasou Ier (1682-1706), Bekaffa (1721-30) et Iyasou II (1730-55). En 1726, deux Grecs, Dimitri et Georges, construisent un bateau sur le Lac Tana pour le Roi Bekaffa, alors que les barques traditionnelles sont faites à partir de roseaux. En 1790 le voyageur Bruce publie son livre Travels to Discover the Source of the Nile (1768-73), (Voyages à la Découverte des Sources du Nil), dans lequel il fait, entre autre, état des relations entre Grecs et Ethiopiens. Il mentionne l’existence de communautés grecques dans plusieurs villes. Il raconte aussi que des réfugiés grecs de Smyrne qui pensaient se rendre en Inde arrivèrent trop tard par rapport au temps de la mousson qui commandait le départ de leur bateau et, ayant peu de moyens, ils prirent la route de la capitale éthiopienne, Gondar : il y avait, entre autres, douze orfèvres, qui furent bien accueillis par le roi Iyasou ll et qui furent employés pour décorer le palais. Et il cite un cuisinier, deux serviteurs, des fusiliers, tous Grecs et également au service du roi. A cette époque deux Grecs en particulier occupent des positions importantes. L’un, Georges Bracos de Chios, était le trésorier de Iasou ll ; et l’autre, Yanni de Rhodes, était le chef de la douane à Adwa, un marché important près d’Axoum. Au 18e siècle, la Reine Mentewab et son fils Iyasou II ont étudié la langue grecque. Des lettres écrites en grec furent envoyées au Patriarcat grec orthodoxe d’Alexandrie par l’intermédiaire des évêques coptes résidant en Ethiopie. Une délégation cléricale grecque arriva en Ethiopie en 1755, juste avant la mort de Iyasou II qui fut suivie d’une époque historique troublée en Ethiopie appelée ‘l’Ere des Juges’. Au début du 19e siècle, sous le Roi Sahla Selasie (1813-47) du Shoa, (qui est une province éthiopienne), une poignée de Grecs participèrent au développement technologique du royaume : un certain Démétrios construisit un moulin à eau (sans doute le premier dans la région) : puis, d’autres bâtiments, comme un palais en pierre à Ankobar, la nouvelle capitale du roi. Le bâtiment fut très admiré car unique. Un constructeur grec, Yohannes, fit connaître l’usage de la chaux et fit construire plusieurs ponts au Shoa.

Le roi envoyait un autre Grec, Petros, pour régler ses affaires financières non seulement à Gondar et Sennar (Soudan), mais aussi jusqu’à Masawa (port érythréen proche de l’ancien port d’Adoulis) et à Djeda (Arabie).

C’est à un artiste grec que le roi demanda de faire des peintures murales (dépeignant des fêtes royales et des batailles) dans le mausolée de son père Wasan Sagad (+ 1813) à Qundi, au nord d’Ankobar. Au 19e siècle il y eut d’autres artistes et artisans grecs, comme par exemple un orfèvre nommé Apostoli qui confectionna des couronnes, des croix, des cloches et des ornements dans les églises éthiopiennes. Un nombre continu de Grecs émigrèrent en Ethiopie, surtout dès la fin du 19e siècle, ce qui s’explique en partie par le fait que lorsque la Grèce devint une nation libre vers 1829-30, le pays dut faire face à des problèmes économiques, à la pauvreté, et nombre d’entre eux partirent à l’étranger. En Ethiopie c’était principalement des commerçants, mais aussi des fermiers et planteurs (entre autre de café), des artisans, et de petits industriels. Certains ont construit à Addis Abeba les premiers bâtiments en pierre, des écoles et des églises comme par exemple la Cathédrale Saint Georges construite sous l’Empereur Ménélik.

De nombreux Grecs épousèrent des Ethiopiennes et s’intégrèrent à la vie éthiopienne. Les Ethiopiens considèrent avoir certaines affinités avec les Grecs (tout comme avec les Russes) qui sont orthodoxes et qui sont des Chrétiens qui n’ont pas organisé d’activités missionnaires dans leur pays. De nombreux Grecs furent au service du royaume éthiopien. Par exemple, Georges Fotis (soldat, tailleur et commerçant et écrivain) fut au service des empereurs régnant à la fin du 19e siècle : Yohannes IV (1872-89) et Ménélik II (1889-1913). En 1885 Christos Papadopoulos (+1930) avait été nommé chef de la police pour la nouvelle province de Harar ; puis, dès 1890, il fut conseiller de l’Empereur Ménélik qui lui décerna plus tard le haut titre militaire de dedjazmatch.

Athanase Sourvis fut secrétaire privé de l’Empereur Ménélik et il fut également le second président de la communauté hellène. Andreas Kavadias fit imprimer le premier journal publié en Ethiopie, en 1902. Zaphiro, un linguiste, fut nommé en 1905 par Ménélik comme inspecteur de la nouvelle frontière sud, côté somalien.

Arrivé en 1905 le peintre Georges Procopiou fit des portraits de la famille royale. Pierre Petrides fut conseiller du ministre des affaires étrangères de 1955 à 1974. Plusieurs Grecs furent les médecins royaux : Démétrius était le médecin du Roi Iyasou I ; Nicolas Parisi celui de l’Empereur Yohannes (en 1885-6) et il traita aussi les maladies locales comme la variole et la malaria ; et Iakovos Zervos celui de l’Empereur Haile Selassié. Ce dernier, Ministre de Grèce à Addis Abeba, et confident de l’empereur, contribua grandement à développer les échanges gréco-éthiopiens. Il a écrit un ouvrage intitulé L’Empire d’Ethiopie publié en 1935.

Iakovos Zervos fut le second président de la communauté grecque en Ethiopie, le premier étant le consul E. Hatsiyioannou. Un autre président, V. Valaskanzis, fut aussi un proche de l’Empereur Haile Selassié.

En 1934 l’empereur d’Ethiopie conféra le titre d’organisateur du service sanitaire de l’armée éthiopienne au Docteur Argyropoulos. Dès la fin du 19e siècle, sous l’Empereur Ménélik, les premiers émigrés, des Grecs, (la plupart des commerçants, comme on l’a dit) contribuèrent à l’organisation de la modernité en Ethiopie et à l’ouverture de l’Ethiopie aux marchés étrangers (via les ports de Massawa et de Djibouti). Ioannis Kotzikas (ou Cozzikas), un marchand grec international qui avait des liens avec l’Ethiopie, fit connaître cette nation en Grèce, en particulier via des articles dans des journaux grecs, le plus connu étant Pandora. Cela éveilla l’intérêt des Grecs pour l’Ethiopie. Puis, en 1879, on envoya de Grèce le premier représentant grec officiel, Demosthène Mitzakis. Au début du 20e siècle, la population grecque continua de s’accroître, et, dès 1918, un consulat général grec fut installé à Addis Abeba.

Puis un autre consulat fut établi à Dire Dawa, ville située sur la ligne de chemin de fer terminée vers 1910 et qui permit de relier Djibouti (donc la Mer Rouge) à Addis Abeba. En 1920 un consulat éthiopien fut ouvert à Athènes. Un premier traité commercial fut signé en 1922. En 1935 la colonie grecque comprenait 3140 sujets, (toujours principalement des commerçants, des industriels et quelques fonctionnaire du gouvernement éthiopien). A l’époque six Ethiopiens résidaient en Grèce. A la suite de l’invasion de l’Ethiopie par Mussolini de 1935 à 1941, une des cinq délégations qui a soutenu l’Ethiopie à la Conférence de la Paix à Paris en 1946 fut la Grèce, ce qui s’explique par le fait qu’il avait alors une communauté grecque non négligeable en Ethiopie.

Le philhellénisme des empereurs éthiopiens a subsisté jusqu’à l’Empereur Haile Selassie qui visita officiellement la Grèce déjà en 1924, en tant que prince consort ; le Roi Paul de Grèce visita l’Ethiopie en 1959. Parlons à présent de l’organisation de la communauté grecque en Ethiopie. En 1896 une école et une église furent fondées à Keren, puis à Asmara (l’école en 1907 et l’église en 1909), deux villes aujourd’hui en Erythrée où vivait une importante communauté grecque. Ecole et église furent aussi organisées à Dire Dawa dans les années 1930, ainsi qu’à Dembi Dolo (proche du Soudan), après la guerre de 1939-45. Là la plupart étaient des Chypriotes provenant de Kartoum ville reliée par bateau via le Nil jusqu’à Gambela, non loin de Dembi Dolo.

Il y avait aussi des marchands grecs influents dans la ville de Harar, proche de Dire Dawa. Dès 1910 la communauté grecque a organisé la première école (élémentaire) près de Piazza à Addis Abeba ; puis, en 1950, une école secondaire fut construite à Piazza (l’endroit est connu comme ‘l’ancienne école grecque’). Un terrain fut acheté près du quartier d’Olympia et de Bole Road ; une école fut construite et elle fonctionna dès 1959. En 1960 on y accueillit des orphelins et des enfants pauvres. Il y a là aujourd’hui plusieurs bâtiments dont l’un en construction, et un internat. L’école propose deux sections d’enseignement (du jardin d’enfant à la terminale) : en grec (avec une centaine d’étudiants), et depuis 1985 en anglais (750 étudiants). Il y a des élèves de plus de 45 pays dont 30% des Etats Unis, 8% du Yemen, 4% du Soudan, 3% du Canada ; 3% des élèves sont Grecs et 29% sont Ethiopiens. Il y a un club grec à proximité de cette école. Dès les années 1930 différentes associations grecques dont le but était philanthropique ont vu le jour. Dans les années 1860 un marchand grec, Kotzikas, déjà mentionné, avait proposé la fondation d’une Société Philabysinienne pour des échanges culturels et éducationnels, mais ce projet ne connut aucun aboutissement concret. En 1930 fut fondée par Socrate Procopiou une association culturelle, l’Union Gréco-Ethiopienne, qui s’efforça de rapprocher les peuples et les intérêts des deux nations amies par des échanges culturels. Un des buts de l’Association ‘Les Amitiés Helléno-Genevoises, I Philia’ qui organise cette conférence ce soir, est également de faire connaître l’histoire des Grecs et de leurs contacts avec d’autres peuples. En 1902 c’est un Grec, lui aussi déjà nommé, Kavadias, qui fonde le premier journal en amharique (la langue courante de l’Ethiopie) Aimero (L’Intelligence), pour lequel il écrit la plupart des articles. La parution dure un an et est reprise en 1914 jusqu’à l’occupation italienne. En 1935 il créé un autre journal, toujours en amharique, Atbiya Kobeb (L’Etoile du Matin), avec des articles de propagande anti-italienne. Dès les années 1930 les Grecs publient leurs propres journaux, comme par exemple Aethiopikos Kiryx (Le Héraut Ethiopien), publié à Addis Abeba dès 1935. L’archevêché grec orthodoxe à Addis Abeba fut fondé en 1910 et l’église grecque, dédiée à Saint Frumentius, a été ouverte en 1926. En 1928 fut consacré le premier Métropolite grec, Nicolas. Jusqu’à nos jours le Métropolite grec est responsable de la communauté grecque présente non seulement à Addis Abeba et dans toute l’Ethiopie, mais aussi en Erythrée, en Somalie et à Djibouti.

De nombreux Patriarches et prélats de l’Eglise grecque orthodoxe des Patriarcats d’Alexandrie et de Constantinople et de Grèce ont visité l’Ethiopie, et ces visites sont rendues par les Patriarches et haut clergé éthiopiens. Les évêques grecs en Ethiopie ont toujours maintenu de bons contacts avec l’Eglise d’Ethiopie. Les relations étaient excellentes avec l’Empereur Haile Selassié, qui s’entendait particulièrement bien avec l’Evêque Nicolas (+ 1967) : ce dernier parvint à le convaincre d’envoyer des jeunes Ethiopiens étudier la théologie en Grèce et à Halki, la faculté de théologie grecque orthodoxe proche d’Istanbul et aujourd’hui fermée. Les premiers étudiants arrivèrent dès les années 1950. Parmi eux certains sont devenus des personnalités, tels l’historien Sergew Hable Selassie ; Alemayou Moges qui enseigna le ge’ez et l’amharique à l’Université d’Addis Abeba ; le Docteur Haile Gabriel qui fut nommé ministre de l’éducation et vice-président de l’Université d’Addis Abeba ; ainsi que des érudits ecclésiastiques comme l’Archevêque Gorgorios du Shoa (+ 1990), et Lique Seltanat Habte Mariam Worqeneh l’ancien responsable de la Cathédrale de la Trinité, devenu évêque sous le nom de Melkisedek. Signalons que dans les années 1920 quarante Ethiopiens avaient déjà été envoyés dans des écoles en Grèce. Au niveau intellectuel une Association fut fondée à Addis Abeba en 1970 pour la promotion des études éthio-helléniques ce qui a permis, entre autre, la parution annuelle de la revue, Abba Salama ; cette publication fut dirigée par le Métropolite grec en Ethiopie, Methodios Fouyas (1968-79). L’Association fut parrainée par le Prince héritier Asfa Wossen et l’Archevêque d’Harar, Théophile.

Signalons aussi qu’à la fin des années 1860 deux articles érudits avaient paru dans un journal à Athènes, Attikon Hemerologion : l’un écrit par le professeur et linguiste Michaelis Lambros sur la langue grecque en Ethiopie et qui explique l’importance de cette langue dans le royaume d’Axoum ; et l’autre par un historien grec connu, Konstantinos Sathas, sur la présence des Grecs en Ethiopie au 18e siècle. On peut aussi mentionner un moine éthiopien, Abou Roumi, connu aussi sous le nom d’Abraham, vivant à la fin du 18e et au début du 19e siècles, qui connaissait plusieurs langues dont le grec et qui fit une traduction de la Bible en amharique. Au Collège théologique de la Trinité à Addis Abeba, Panayiotis Fouyas, le frère du Métropolite, enseigna la philosophie. De nos jours le Docteur Dibakoulou, diplômé en théologie et en droit international en Grèce, et qui fut ministre des affaires religieuses, enseigne le grec et l’histoire de l’Eglise dans le même Collège. Actuellement la communauté grecque favorise des relations philanthropiques en Ethiopie, par exemple en finançant un orphelinat à Dessie au nord-est d’Addis Abeba, où l’on enseigne le grec aux enfants. L’évêque grec, Monseigneur Petros, apporte un soutien financier à certains Ethiopiens et à l’Eglise orthodoxe éthiopienne, par exemple en aidant le Collège éthiopien de théologie et le Monastère de Zway. Au milieu du 18e siècle il y avait peut-être 500 Grecs en Ethiopie. En 1906 on parle de 65 Grecs, en 1910 de 334, et en 1935 de 3140 : ce fut la population la plus importante. De nos jours il reste environ une centaine de Grecs résidant en Ethiopie, y compris les mariages mixtes.

Quant à la communauté éthiopienne résidant en Grèce, elle est aujourd’hui croissante, et ce depuis les années 1974, à cause de la révolution marxiste en Ethiopie. Une paroisse éthiopienne orthodoxe a été organisée à Athènes grâce au soutien du Métropolite grec Petros qui a aussi contribué à offrir des bourses d’études du gouvernement grec à des étudiants éthiopiens. En conclusion on peut dire que même si la communauté grecque en Ethiopie n’est pas très nombreuse par rapport à d’autres pays dans le monde, son existence laisse des traces et a eu un impact significatif. Et on pourrait reprendre les mots du Docteur Parisi, le médecin de l’Empereur Yohannes (1871-89), qui disait que : « parmi les Européens, la sympathie des Ethiopiens allait aux Grecs », et que les Ethiopiens les appelaient wandam, c’est-à-dire « frères ».

Petite bibliographie 1. Fouyas, P.G., ‘The Historic Visits of His Holiness Patriarch Theophilos to the Churches of Greece, Constantinople and Alexandria’, Abba Salama 3, 1972, p. 11-86. 2. Guidi, I., Annales Iohannis, Paris, 1903, p. 337-9. 3. Letsos, T., ‘His Beatitude Ieronymos of Athens and All Greece visits Ethiopia (1970), Abba Salama 3, 1972, p. 140-175. 4. Natsoulas, T., ‘The Hellenic Presence in Ethiopia. (1740-1935)’, in Abba Salama 8, 1977, p. 5-218. 5. Pankhurst, R., ‘The Role of Foreigners in Nineteenth-Century Ethiopia, prior to the Rise of Menilek’, Boston University Papers on Africa, II, (1966). 6. Pankhust, R., ‘Reflections on the Importance of Graeco-Ethiopian Studies’, in Abba Salama 1, 1970, p. 154-161. 7. Pankhurst, R., Greek Land-Holding in Eighteenth and Early Nineteenth Century Ethiopia, in Abba Salama 6, p. 1973, 36-9. 8. Pankhurst, R. ‘The Greek Coins of Aksum’, Abba Salama 6, 1975, p. 70-83. 9. Pankhurst, R., ‘The Greeks and the Development of Technology in Shoa (Ethiopia), in Ekklesiastikos Pharos, Patriarcat d’Alexandrie, 1976, p. 141-7. 10. Pankhurst, R., ‘The special position of Greeks and other Orthodox foreigners in Traditional Ethiopia’, in Ekklesiastikos Pharos, Patriarcat d’Alexandrie, 1978, p. 98-104. 11. Pankhurst, R., Demetros and Giyorgis : Two Greeks in 18th Century Ethiopia, Abba Salama 8, 1977, p. 233-9. 12. Prouty, C., Dictionnary, 1994, p.152-3. 13. Zervos, A., ‘Le Royaume de Grèce’ in L’Empire d’Ethiopie, Addis Abeba, 1935, p.458-69. Théodore Netsoulas dans sa thèse publiée sur la présence hellénique en Ethiopie couvre la période historique de 1740 à 1936 (lire résumé dans Abba Salama 8, Athènes 1977), mais les informations qu’il donne doivent être complétées (par exemple en consultant les archives des deux Patriarcats).


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