Bruno Blum et l’Erythrée musical
Bruno Blum est un personnage "à ressort"... 10000 projets - et réalisations - à la minute. Nous l’avons récemment rencontré à Asmara, en pleine fête de "Maskal" en instance de la sortie du très attendu cd "Asmara All Stars"... mettant en valeur pour la première fois les artistes érythréens bourrés de talent. En début octobre 2010, sous son implusion un concert historique (et gratuit) a eu lieu à l’Opéra (d’origine italienne) d’Asmara, qui est rappelons le une splendide ville, un joyau architectural très tranquille. Blum surfe sur alors cette vague érythréenne... Avec la culture, espérant que les frontières s’ouvriront bientôt avec son grand voisin.
Extrait de l’article paru dans Mondomix : Bruno Blum sort l’Erythrée de l’ombre
Avec le premier album de l’ Asmara All Stars, le français Bruno Blum fait sortir l’Erythrée de l’ombre de sa voisine, l’Ethiopie. Interview.
Comment est né le projet "Asmara All Stars" ?
Invité par l’ambassadeur de France en Erythrée, j’ai joué plusieurs concerts à Asmara en 2006 et j’ai commencé à enregistrer avec des musiciens du coin. Ça a dû leur plaire puisque le Ministère de la Culture m’a proposé de devenir prof de musique à Asmara. J’ai refusé et je leur ai proposé de plutôt produire un album.
Culturellement, qu’est-ce qui distingue l’Erythrée de l’Ethiopie ?
L’Érythrée a fait partie de l’Éthiopie de 1941 à 1991. C’est la zone côtière de l’Abyssinie, sur la mer Rouge. Le royaume antique d’Axoum était à cheval entre les deux pays actuels. Il a été le premier au monde à avoir un roi chrétien, au IVe siècle. Ils sont restés farouchement chrétiens orthodoxes depuis, cernés par les Musulmans, et pratiquent des rites et des musiques démentes qui remontent à l’Antiquité. Leur culture est profonde, vertigineuse, et reste commune aux deux pays. Certaines ethnies sont partagées entre les deux nations, comme les Afars/Danakils, les Tigré, mais d’autres, comme les Kunama, les Bilen ou les Nara, ne se trouvent pas trop en Éthiopie. Les Tigrigna ont été virés d’Éthiopie à la fin de la guerre civile d’indépendance en 91. On peut entendre huit des neuf ethnies érythréennes sur l’album Eritrea’s Got Soul : huit langues, huit styles musicaux vraiment différents. Mais toujours avec les bizarres gammes pentatoniques à sixte diminuée typiques de la région.
En Éthiopie la tradition des fabuleux grands orchestres funky de la période Haïlé Sélassié a disparu, mais pas en Érythrée. C’est pourquoi l’album de l’Asmara All Stars fait souvent penser aux célèbres enregistrements éthiopiens sixties et seventies. Mais les langues et les rythmes sont souvent différents. Les deux pays frères ennemis se détestent maintenant, mais ils sont tous les deux aussi chauvins et nationalistes, ils ont aussi ça en commun !
Etre musicien en Erythrée, c’est facile ? A quoi ressemble la scène locale ?
Presque toute la population est fonctionnaire dans un pays entièrement dirigé et pensé par l’armée. Les musiciens aussi. Donc les musiciens pros sont salariés (de 5 à 20€ par mois selon leurs états de service), et jouent sans arrêt dans des grands rassemblements populaires nationalistes, notamment sur les divers fronts où l’armée est mobilisée en masse dans des camps. Ils jouent, en plus, la nuit dans les quelques boîtes de la ville pour améliorer l’ordinaire. Donc ils ne sont pas souvent disponibles et il m’a fallu l’autorisation de leur employeur, l’état, pour tout, ce qui est toujours long à cause de la bureaucratie et des comités d’écoute du Parti, et en même temps il a fallu qu’on les paye pour travailler avec moi. Mais ils adorent jouer des trucs un peu différents, plus créatifs, moins routiniers quand ils en ont la possibilité.
A-t-on une chance de voir un jour ces musiciens sur une scène française ?
On essaye d’organiser une tournée européenne de l’Asmara All Stars en 2011. On a beaucoup de demande et d’intérêt pour ce groupe, qui est vraiment original : du jamais vu. Mais dans un pays aussi particulier, où une grande partie de la population essaie d’émigrer (ce qui est strictement interdit), il est particulièrement difficile d’obtenir un visa de sortie. Heureusement le succès des concerts de lancement de l’album nous permettent d’espérer en obtenir. Et après il faut trouver un milliard de dollars pour les billets d’avion … et des visas d’entrée pour quinze Africains en Europe. Une paille !
François Mauger
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